La pointe Tata'a
Site culturel et historique, la Pointe TATAâA, ou RERERAâA VARUA (envol des Ăąmes), fut, aux temps anciens, un des lieux les plus sacrĂ©s de lâĂźle de TAHITI. SituĂ© au nord-ouest de lâĂźle, sur le site actuel de lâHĂŽtel Intercontinental Resort ans Spa Tahiti, ce promontoire chargĂ© dâhistoires sĂ©pare les communes de PUNAAUIA et FAAâA.
Une croyance ancestrale
Jadis, les tahitiens croyaient quâaprĂšs la mort naturelle des ĂȘtres humains, lâĂąme du dĂ©funt demeurait durant trois jours dans son enveloppe corporelle avant de sâen aller.
Selon la tradition orale et la conception polynĂ©sienne du monde, aprĂšs sa sĂ©paration avec le corps, lâĂąme effectuait « un parcours prĂ©cis Ă lâintĂ©rieur de son « mataâeinaa » (district) puis se dirigeait vers le promontoire de TATAâA » pour y effectuer son dernier voyage.
TATAâA, le voyage des Ăąmes
AprĂšs la mort, lâĂąme devait faire un long trajet afin dâatteindre sa derniĂšre demeure. Ainsi, lorsquâelle quittait son corps, elle se rendait vers le point dâenvol pour y entamer son ultime voyage. « LâĂąme plongeait toujours dans un bain dâeau froide pour se ressourcer avant de rejoindre le promontoire et de quitter le monde matĂ©riel (TE AO) ». Deux sources de purification jouxtaient la pointe TATAâA : « la source PANAâAU ou VAIâAITĆȘ (dans les jardins de lâancien hĂŽtel TE PUNA BEL AIR) cĂŽtĂ© PUNAAUIA pour les Ăąmes en provenances des districts de la cĂŽte Ouest, et VAIHUNA cĂŽtĂ© FAAâA pour celles provenant des districts de la cĂŽte Est ». « Lorsquâelle atterrissait Ă droite, sur le Ćfa’i-ora (pierre de vie), elle pouvait retourner Ă son corps. Par contre, si elle atterrissait Ă gauche, sur le Ćfa’i-pohe (pierre de mort), elle Ă©tait Ă jamais sĂ©parĂ©e de sa dĂ©pouille mortelle ».
Parcours et destination finale de lâĂąme
Quelle que soit la pierre sur laquelle lâĂąme sâĂ©tait posĂ©e, elle quittait la pointe TATAâA pour le mont ROTUâI (MOOREA), et se dirigeait vers le mont TEMEHANI (RAIATEA). Le Dieu TU-TA-HOROâA se tenait Ă lâembranchement des deux chemins et indiquait alors la destination finale de lâĂąme.
Ainsi, « lorsque lâĂąme Ă©tait autorisĂ©e Ă aller Ă droite, elle volait jusquâĂ Pu-o-roo-i-te-ao et lĂ rencontrait Roma-Tane (homme voluptueux) qui recevait les amulettes âura comme offrandes de paix et lâintroduisait dans le Paradis dĂ©sirĂ© appelĂ© Rohutu-noanoa (Rohutu Ă lâodeur suave). Par contre lorsquâelle Ă©tait dirigĂ©e sur le chemin de gauche, elle nâavait dâautre ressource que de voler jusquâĂ Pu-o-roo-i-te-PĂŽ et de lĂ descendait dans le cratĂšre de Temehani oĂč elle se trouvait bientĂŽt en prĂ©sence de Taâaroa-nui-tuhi-mate (Grand Taâaroa dont la malĂ©diction signifie mort). »
PAI et TAFAâI, des hĂ©ros qui ont foulĂ© TATAâA
La tradition orale nous rapporte que les deux guerriers PAI et TAFAâI ont foulĂ© le promontoire de TATAâA. En effet, au cours de leur parcours initiatique, ils font « lâexpĂ©rience dâentrer dans le TE PĆ (le monde immatĂ©riel invisible), et dâen revenir, en chair et en os ». Un exploit, au vu de lâextrĂȘme sacralitĂ© du lieu.
Au-delĂ de lâempreinte laissĂ©e par PAI lors de son combat contre la tentative de vol du Mont ROTUI (MOOREA) par HIRO, un rĂ©cit relate lâaventure de TAFAâI sur TATAâA. De retour de son voyage de TUPUâAI, ce dernier constata la mort de son Ă©pouse. « TAFAâI alla trouver un prĂȘtre capable de faire revenir sa femme Ă la vie. Voici ce que lui dit le prĂȘtre : « Vas Ă TATA’A. Rames jusqu’Ă TATA’A. LĂ -bas, tu attendras que l’Ăąme de ta femme vienne se poser sur l’une des pierres puis tu jetteras ton hameçon dans sa chevelure pour pouvoir retourner son Ăąme dans son corps ». Il en fut ainsi, et son Ă©pouse revint Ă la vie ».
Les autres promontoires de la Polynésie, du Pacifique
Plus communĂ©ment appelĂ©e RERE A VARUA, lâappellation de la pointe dâenvol varie suivant la langue propre Ă chaque Ăźle : KIUKIU sur lâĂźle de HIVA OA, TE REREGA Ă MANGAREVA, TEREIâA Ă HUAHINE, LEINA KAUHANE Ă OAHU, REINGA-WAIRUA en NOUVELLE ZELANDE etc.
Hautement respectĂ© autrefois par les polynĂ©siens, ce lieu demeure sacrĂ© et doit impĂ©rativement ĂȘtre protĂ©gĂ© de tout projet de construction dâĂ©difice par lâhomme.
Sources:
– HENRY Teuira. Tahiti aux temps anciens. Chauny (Aisne) : Ets A. BATICLE, 10 mars 1952, 670 p.
– Association Rohutu Noâanoâa. Classement de la Pointe Tataâa. [In site].
– LEVERD, A. Croyances relatives aux Ăąmes et Ă lâautre vie chez les PolynĂ©siens. Bulletin N°248, Tome XXI-1/Septembre 1989. Tahiti, SociĂ©tĂ© des Etudes OcĂ©aniennes.
– Ville de PUNAAUIA. Il Ă©tait une fois mon quartier. TĂ©moignage de M. Serge TUARAU, rĂ©sident du quartier BEL AIR de PUNAAUIA. © Ville de PUNAAUIA.
Illustrations:
1- Pointe de TATAâA © Ville de PUNAAUIA.
2- Pierre de la pointe TATAâA © Service de la Culture et du Patrimoine. [in site]
3- Pointe TATAâA vue du lotissement TAINA de PUNAAUIA. Source : TAHITI HERITAGE. [in site]