Paitoanu'u, te paiara'i

Dans les temps anciens, Ă  Tahiti, rĂ©gnait le grand chef Rehia et son Ă©pouse la cheffesse Huauri. ApparentĂ©s au roi Ta’ihia de Tautira, ils rĂ©sidaient sur une pointe et attendaient leur premier enfant.

DES VIVRES À PROFUSION

Un jour, se promenant sur la plage, Huauri entendit le son d’un pĆ« qui annonçait l’arrivĂ©e d’une grande pirogue. L’embarcation abondait de poissons, de porcs rĂŽtis, et de toute sorte de vivres.

Sans tarder, Huauri fit appeler son Ă©poux. Tout le village se rassembla alors sur la plage pour accueillir les voyageurs comme il se doit.

UN PRÉSENT DÉTOURNÉ

Tel qu’il est de coutume, le chef invita les visiteurs à se reposer chez lui.

Huauri, dont l’appĂ©tit fut attisĂ© par tant de victuailles, leur demanda la raison de leur voyage Ă  Tautira. « Nous apportons ces cadeaux pour le roi Ta’ihia Â» firent-ils.

Face Ă  l’envie grandissante de son Ă©pouse, Rehia dĂ©cida d’échanger toute ces provisions contre des rouleaux de tapa, des pē’ue, des paniers et des ornements faits de plumes. NĂ©gociations faites, les voyageurs dĂ©posĂšrent toutes les victuailles sur le rivage et repartirent pour en rassembler d’autres pour la famille royale.

LA GRANDE FÊTE AU VILLAGE

Ravi de son acquisition, le chef Rehia organisa une trĂšs grande fĂȘte avec son clan et distribua de la nourriture Ă  tous.

Rapidement, les clans qui vivaient Ă  l’intĂ©rieur des terres apprirent comment Rehia s’était appropriĂ© les cadeaux destinĂ©s au roi Ta’ihia. ScandalisĂ©, le roi Teena dĂ©cida de venger cet acte outrageux envers son grand ami de Ta’ihia.

LA VENGEANCE DE TEENA

Peu de temps aprĂšs, Huauri mis au monde une belle petite fille ; et la nouvelle fut envoyĂ©e au quatre coin du royaume.

Le moment de la vengeance avait sonnĂ© pour Teena. Avec ses hommes, il qui mit au point un plan machiavĂ©lique. Il envoya un orateur, Ă  la rencontre de Rehia et de Huauri leur proposant l’adoption de leur fille qui deviendrait leur petite reine nommĂ©e Hina’ari’i. Les parents acceptĂšrent avec joie.

Une annĂ©e passa et l’orateur, accompagnĂ©s de nourrices, revint comme convenu. L’enfant et un coffret royale lui furent confiĂ©s. Sur le chemin du retour, il chassa les nourrices, fracassa le crĂąne de Hina’ari’i sur un tronc de feĂŻ, puis, l’enterra sur un marae.

UNE NOUVELLE NAISSANCE

Dix jours et dix nuits plus tard, Rehia et Huauri apprirent la nouvelle. AffligĂ©s, ils se lacĂ©rĂšrent le visage avec des dents de requin et refusĂšrent de s’alimenter durant plusieurs jours.

Peu de temps aprÚs, Huauri se trouva à nouveau enceinte. Cette grossesse lui donna de nombreuses envies, dont celle des ufi (ignames) qui coûta la vie à Rehia tué par deux affreuses sorciÚres qui terrorisaient tout Tautira.

PAI, CONFIÉ AU DIEU TA’AROA

DĂ©sormais seule, Huauri se cacha dans les grottes jusqu’à la naissance prĂ©maturĂ©e de son enfant enfermĂ© dans son placenta.

Craignant pour la sĂ©curitĂ© de son enfant, elle invoqua Ta’aroa et les Dieux Ă  qui elle le leur confia. Ils dĂ©posĂšrent le fƓtus dans une grande courge remplie de chair et l’y laissĂšrent grandir. Quand il eut tout mangĂ©, il frappa sur la calebasse et en fut dĂ©livrĂ©.

Un jour, l’enfant Ă©clata en sanglots. Inconsolable, il expliqua aux Dieux Paperurua et Papehau la raison de sa tristesse : il Ă©tait nu et sans nom.

Alors, Ta’aroa, le proclama « Digne fils des Dieux Â», l’habilla d’un tapa et le nomma Paitoanu’u, te Paiara’i ; Pai le guerrier, Pai du ciel !

PAI RETOURNE DANS LE MONDE DES HOMMES

Vint le jour pour Pai de rentrer chez lui. AprĂšs avoir appris qu’il Ă©tait le fils de Rehia et de Huauri, il fut reconduit Ă  Tautira par ces pĂšres nourriciers oĂč il rencontra sa mĂšre.

Son retour fit le tour du royaume. DĂ©fiĂ© au combat par neuf guerriers puissants, il les battit tous avec son arc et ses flĂšches fabriquĂ©s par ses soins avec du aito. Puis, affirmant sa supĂ©rioritĂ©, il planta une flĂšche, devant le marae royal, situĂ© Ă  une grande distance, qui fut couronnĂ© d’un arc-en-ciel. Victorieux, il fut ovationnĂ© par la foule.

Le roi Ta’ihia l’honora car il avait sauvĂ© l’honneur de sa lignĂ©e ancestrale.

RUFAUTUMU, LA LANCE MAGIQUE

AprĂšs avoir vengĂ© sa sƓur, Pai pourchassa les deux sorciĂšres qui avaient tuĂ© son pĂšre.

Il se rendit sur la montagne, dĂ©racina le massif de pĆ«rau qui cachait l’entrĂ©e de la caverne des meurtriĂšres et les extermina.

Avec ce massif qu’il transplanta sur la rive, il se fabriqua une lance de combat avec, Ă  chaque extrĂ©mitĂ©, un os du bras des sorciĂšres la chargeant ainsi d’un mana.

Il l’appela Rufautumu.

Avec sa lance et la protection des Dieux, Paitoanu’u, te Paiara’i devint un guerrier rĂ©putĂ© et aida le roi Ta’ihia Ă  conquĂ©rir des royaumes voisins.

Sources : HENRY, Teuira (1847-1915). Tahiti aux temps anciens traduit de l’anglais Ancient Tahiti par Bertrand Jaunez. Paris : MusĂ©e de l’Homme, 1951 – Collection Publications de la SociĂ©tĂ© des OcĂ©anistes, 723Adaptation de l’écriture : Rereata Scholermann, Archives Communales de PUNA’AUIA, 2022Illustration personnage © Droits rĂ©servĂ©s