Puna et la tortue sacrée

Il y a trĂšs longtemps, un jeune homme nommĂ© Puna vivait dans le district de Hiti, aujourd’hui appelé Puna’auia[1].

Fils de TĆ«teahurei vāhine et Ruatefa’ato’a tāne, il avait une sƓur nommĂ©e Moearu, et trois frĂšres, Moerua, ainsi que Ue et Mēhiti les jumeaux qui firent souche Ă  Punaru’u.

Le voyage de Puna

Un jour, Puna se rendit à Ra’iātea.

Quand vint le moment de rentrer, il rata la grande pirogue Hotutahi.

Sur la plage, la tortue du roi qui avait de grands pouvoirs remarqua son chagrin. PeinĂ©e pour lui, elle lui dit alors : « SĂšche tes larmes, je vais te ramener. Monte sur mon dos, nous partons maintenant ! »

Puna maltraite la tortue sacrée

AprĂšs avoir traversĂ© l’ocĂ©an, Puna et la tortue arrivĂšrent Ă  Hiti par la passe Avaavamanini.

Accostant à Teoneuri, appelĂ© aussi ‘ƌfa’i Pi’ipi’i, la tortue fit :

« Tu es arrivĂ©, descends maintenant. » Tout Ă  coup, Puna s’empressa de lui couper ses quatre ailerons.

« Pourquoi me fais-tu cela ? Je t’ai pourtant aidĂ© ! » S’écria-t-elle. Puis, blessĂ©e, elle affirma qu’elle serait vengĂ©e car il venait d’enfreindre les tapu.

La fuite et la capture de Puna

Trùs vite, tout le district fut au courant des mauvais agissements du jeune homme. La colùre envahit ‘Inoarii, le roi de Hiti, qui ordonna une chasse à l’homme.

Fuyant les guerriers, Puna courut de vallĂ©es en vallĂ©es, traversant riviĂšres et forĂȘts.

Sur la crĂȘte Teivirairaitaharara

FatiguĂ©, il s’arrĂȘta sur la crĂȘte Teivirairaitaharara, sur la terre de Pa’ateve et de son Ă©pouse, un couple d’éleveurs de porcs.

Il avait si soif qu’il dĂ©cida de boire le lait d’une truie qui nourrissait ses petits. Surprise, elle se leva brusquement. Puna perdit l’équilibre et tomba au pied de la montagne

Puna capturé

Bien qu’étourdi par sa chute, il aperçut une source d’eau.

Elle Ă©tait si petite qu’il se mit Ă  « quatre pattes Â», puis allongea les jambes pour essayer de boire.

Soudain, alors qu’il se dĂ©saltĂ©rait, un grand â€˜aito surgit.

Il l’attrappa, puis, ligota ses mains et ses pieds de toutes ses forces Ă  l’aide d’une corde faite de racines du ‘ƍrā (banian) de ‘Ātiue.

TransportĂ© sur le mont Tefaarahi, il but l’eau amĂšre du roc Tetāmanu.

Puis, Puna supplia qu’on le relñche.

Refusant fermement, la tortue qui avait pris la forme du ‘aito (guerrier) se dĂ©voila lui rappelant tout le mal qu’il lui avait fait.

Le sacrifice de Puna

Lorsque le jour se leva sur Ārānuanua (Ārā-ānuanua), une larme s’échappa de ses yeux formant un trou dans le roc PĆ«ra’u papa (Papa o PĆ«ra’u).

Puna fut conduit sur le rivage oĂč il fut sacrifiĂ©. Son corps fut mis au four chauffĂ© avec du bois de pandanus de Terātā, puis mangĂ© par le terrible guerrier ‘Iripa’u.

DĂšs lors, le district pris le nom de PUNA’AUIA; Puna-‘aui-hia, Puna enveloppĂ© dans des feuilles de cocotiers et cuit au four traditionnel.

L’empreinte de Puna

De son sacrifice fut nommĂ© le marae ‘Utu’ai[2], vengeance apaisĂ©e.

La vallĂ©e oĂč il fut attachĂ© fut appelĂ©e Punaru’u, Puna ligotĂ©.

La plate-forme oĂč il fut attachĂ© fut nommĂ©e Paepaetoto, la plateforme de sang.

La pierre sur laquelle fut gravĂ©e l’empreinte de son Ɠil lorsqu’il fut ligotĂ© prit le nom de ‘ƌfa’i Punaru’u, la pierre de Puna ligotĂ©.

La petite cuvette d’eau formĂ©e dans le roc PĆ«ra’u papa par sa larme fut appelĂ©e Vaipuna, l’eau de Puna.

La source oĂč il fut Ă©viscĂ©rĂ©, prit l’appellation de Punā’au, les entrailles de Puna.

La passe Tuatāmiro dans laquelle sa mĂąchoire sanglĂ©e avec des feuilles de roseaux de Vaitahuri fut lancĂ©e devint la passe Ta’apuna, la mĂąchoire de Puna.

Enfin, la vallĂ©e oĂč ses yeux transpercĂ©s de flĂšches furent dressĂ©s prit le nom de Matati’a, les yeux qui se dressent.

Puna devint marae, et il fut renommé Marae-Ta’atā.

Et c’est ainsi que le sacrifice de Puna marqua à jamais le grand territoire de PUNA’AUIA.

Puna mort, et ayant dĂ©livrĂ© (ta’a) son pays des vices et mauvaises actions par le sacrifice de sa personne et de son Ăąme exhaussĂ©e (tā), il accĂšde au statut d’ancĂȘtre dĂ©ifiĂ© ou tāura et prend forme minĂ©rale en se transformant en marae, celui que l’on nommera Marae-Ta’atā ».

Sources :TEURI, Joseph. ‘Ā’ai nƍ Puna’auia. Hei pua ri’i, Parau ri’i atohia mai nƍ roto i te mau puta i tata’u na i te Fare Vāna’a. Tahiti : AcadĂ©mie Tahitienne, 1987, 88 p.PAHIO, Denis. Matahiapo de la Ville de PUNA’AUIA. Interview du 02 juin 2018.PERE, Paul. Matahiapo de la Ville de PUNA’AUIA. Interview du 06 juin 2019.POUIRA, Charles. Matahiapo de la Ville de PUNA’AUIA. Interview du 07 septembre 2019.TETUANUI, Wilfred. La lĂ©gende de Puna. RĂ©cit recueilli par Doris MARUOI en mars 1993.IORSS, Martial. Origine des noms de Punaauia-Punaruu et Taapuna. BSEO 27, tome III (N°5), Tahiti, octobre 1928, 36 p.


[1] Certains rĂ©cits Ă©tablissent l’origine de Puna Ă  Mai’ao (Moorea) ou Teva-i- Tai (Presqu’üle de Tahiti). L’origine de Puna ici dĂ©crite comme celle de Punaauia est issue de la transmission de savoirs de Pāpā TEURI Joseph.

[2] Dans les rĂ©cits, le marae ‘Utu’ai est localisĂ© sur le territoire de Pā’ea.

En 2022, les élÚves du collÚge de Punaauia, en partenariat avec le service des archives de la ville de Punaauia, ont réalisé un spectacle sur le thÚme de la légende « Puna et la tortue ». Un spectacle en reo Tahiti, dansé et chanté, qui met en lumiÚre la légende qui donna son nom à la ville de Punaauia.