La pointe Tata'a

15/10/2023 - 4 minutes de lecture

Site culturel et historique, la Pointe TATA’A, ou RERERA’A VARUA (envol des Ăąmes), fut, aux temps anciens, un des lieux les plus sacrĂ©s de l’üle de TAHITI. SituĂ© au nord-ouest de l’üle, sur le site actuel de l’HĂŽtel Intercontinental Resort ans Spa Tahiti, ce promontoire chargĂ© d’histoires sĂ©pare les communes de PUNAAUIA et FAA’A.

Une croyance ancestrale

Jadis, les tahitiens croyaient qu’aprĂšs la mort naturelle des ĂȘtres humains, l’ñme du dĂ©funt demeurait durant trois jours dans son enveloppe corporelle avant de s’en aller.

Selon la tradition orale et la conception polynĂ©sienne du monde, aprĂšs sa sĂ©paration avec le corps, l’ñme effectuait « un parcours prĂ©cis Ă  l’intĂ©rieur de son « mata’einaa Â» (district) puis se dirigeait vers le promontoire de TATA’A Â» pour y effectuer son dernier voyage.

TATA’A, le voyage des ñmes

AprĂšs la mort, l’ñme devait faire un long trajet afin d’atteindre sa derniĂšre demeure. Ainsi, lorsqu’elle quittait son corps, elle se rendait vers le point d’envol pour y entamer son ultime voyage. « L’ñme plongeait toujours dans un bain d’eau froide pour se ressourcer avant de rejoindre le promontoire et de quitter le monde matĂ©riel (TE AO) ». Deux sources de purification jouxtaient la pointe TATA’A : « la source PANA’AU ou VAI’AITĆȘ (dans les jardins de l’ancien hĂŽtel TE PUNA BEL AIR) cĂŽtĂ© PUNAAUIA pour les Ăąmes en provenances des districts de la cĂŽte Ouest, et VAIHUNA cĂŽtĂ© FAA’A pour celles provenant des districts de la cĂŽte Est ». « Lorsqu’elle atterrissait Ă  droite, sur le ƍfa’i-ora (pierre de vie), elle pouvait retourner Ă  son corps. Par contre, si elle atterrissait Ă  gauche, sur le ƍfa’i-pohe (pierre de mort), elle Ă©tait Ă  jamais sĂ©parĂ©e de sa dĂ©pouille mortelle ».

Parcours et destination finale de l’ñme

Quelle que soit la pierre sur laquelle l’ñme s’était posĂ©e, elle quittait la pointe TATA’A pour le mont ROTU’I (MOOREA), et se dirigeait vers le mont TEMEHANI (RAIATEA). Le Dieu TU-TA-HORO’A se tenait Ă  l’embranchement des deux chemins et indiquait alors la destination finale de l’ñme.

Ainsi, Â« lorsque l’ñme Ă©tait autorisĂ©e Ă  aller Ă  droite, elle volait jusqu’à Pu-o-roo-i-te-ao et lĂ  rencontrait Roma-Tane (homme voluptueux) qui recevait les amulettes ’ura comme offrandes de paix et l’introduisait dans le Paradis dĂ©sirĂ© appelĂ© Rohutu-noanoa (Rohutu Ă  l’odeur suave). Par contre lorsqu’elle Ă©tait dirigĂ©e sur le chemin de gauche, elle n’avait d’autre ressource que de voler jusqu’à Pu-o-roo-i-te-PĂŽ et de lĂ  descendait dans le cratĂšre de Temehani oĂč elle se trouvait bientĂŽt en prĂ©sence de Ta’aroa-nui-tuhi-mate (Grand Ta’aroa dont la malĂ©diction signifie mort). Â»

PAI et TAFA’I, des hĂ©ros qui ont foulĂ© TATA’A

La tradition orale nous rapporte que les deux guerriers PAI et TAFA’I ont foulĂ© le promontoire de TATA’A. En effet, au cours de leur parcours initiatique, ils font « l’expĂ©rience d’entrer dans le TE Pƌ (le monde immatĂ©riel invisible), et d’en revenir, en chair et en os Â». Un exploit, au vu de l’extrĂȘme sacralitĂ© du lieu.

Au-delĂ  de l’empreinte laissĂ©e par PAI lors de son combat contre la tentative de vol du Mont ROTUI (MOOREA) par HIRO, un rĂ©cit relate l’aventure de TAFA’I sur TATA’A. De retour de son voyage de TUPU’AI, ce dernier constata la mort de son Ă©pouse. « TAFA’I alla trouver un prĂȘtre capable de faire revenir sa femme Ă  la vie. Voici ce que lui dit le prĂȘtre : « Vas Ă  TATA’A. Rames jusqu’Ă  TATA’A. LĂ -bas, tu attendras que l’Ăąme de ta femme vienne se poser sur l’une des pierres puis tu jetteras ton hameçon dans sa chevelure pour pouvoir retourner son Ăąme dans son corps ». Il en fut ainsi, et son Ă©pouse revint Ă  la vie ».

Les autres promontoires de la Polynésie, du Pacifique

Plus communĂ©ment appelĂ©e RERE A VARUA, l’appellation de la pointe d’envol varie suivant la langue propre Ă  chaque Ăźle : KIUKIU sur l’üle de HIVA OA, TE REREGA Ă  MANGAREVA, TEREI’A Ă  HUAHINE, LEINA KAUHANE Ă  OAHU, REINGA-WAIRUA en NOUVELLE ZELANDE etc.

Hautement respectĂ© autrefois par les polynĂ©siens, ce lieu demeure sacrĂ© et doit impĂ©rativement ĂȘtre protĂ©gĂ© de tout projet de construction d’édifice par l’homme.


Sources:

– HENRY Teuira. Tahiti aux temps anciens. Chauny (Aisne) : Ets A. BATICLE, 10 mars 1952, 670 p.

– Association Rohutu No’ano’a. Classement de la Pointe Tata’a. [In site].

– LEVERD, A. Croyances relatives aux Ăąmes et Ă  l’autre vie chez les PolynĂ©siens. Bulletin N°248, Tome XXI-1/Septembre 1989. Tahiti, SociĂ©tĂ© des Etudes OcĂ©aniennes.

– Ville de PUNAAUIA. Il Ă©tait une fois mon quartier. TĂ©moignage de M. Serge TUARAU, rĂ©sident du quartier BEL AIR de PUNAAUIA. Â© Ville de PUNAAUIA.

Illustrations:

1- Pointe de TATA’A © Ville de PUNAAUIA.

2- Pierre de la pointe TATA’A © Service de la Culture et du Patrimoine. [in site]

3- Pointe TATA’A vue du lotissement TAINA de PUNAAUIA. Source : TAHITI HERITAGE. [in site]